Les start-ups innovantes doivent-elles avoir peur des grands comptes?
S’il est rare que David terrasse Goliath, les rapports des start-ups avec les grands comptes sont passionnés et conflictuels. Nous rencontrons beaucoup de startups qui ont une analyse peu rationnelle du travail en innovation avec un grand compte.
Le Graal : décrocher une première référence grand compte
Pour une startup qui lance une innovation, réaliser un pilote ou obtenir un premier client grand compte est un pas décisif. Il apporte une première base de crédibilité aux yeux du marché. Il s ‘agit cependant de présenter des références qui crédibilisent votre positionnement stratégique. Si vous développez un logiciel destiné aux entreprises du e-commerce vous ne rassurerez pas en présentant comme première réalisation une mairie…
L’innovation instrumentalisée par les grands comptes ?
Les projets collaboratifs qui mettent en relation des startups et les grands comptes sont objets de tous les fantasmes. Il faut les traiter comme des projets dont on tirera les fruits si tous les partenaires sont au clair sur ce qu’ils y mettent et ce qu’ils en attendent. Le périmètre de travail doit être bien défini.
Les partenaires devront travailler en confiance , pour que le travail collectif ne soit pas qu’une addition de savoir-faire. Il faudra aussi créer un relationnel qui peut-être fructueux pour la startup à terme. Une startup doit être lucide sur le périmètre de ce qu’elle apporte au projet et notamment ne pas en donner trop. Il faut veiller à ne pas partager tout le cœur de son savoir-faire. En effet, autour de la table, il y a des sociétés qui ont des intérêts et feuilles de routes tout à fait différents en dehors du sujet.
Méchants du CAC 40 contre gentilles startups ?
J’ai entendu des dizaines de startups s’ouvrir de leurs expériences malheureuses avec des grands comptes. Bien sûr, les grands comptes ont leurs stratégies et font rarement des cadeaux. Pourtant, il y a parfois un excès de naïveté et de confiance de l’entrepreneur. Les startups sont parfois déstabilisées face à un négociateur charmant et bien élevé, mais aguerri au sport de la veille innovation à bon prix. D’autres jeunes pousses se sont vraiment confrontées à des cas de siphonnage d’innovation, sur lesquels elles étaient insuffisamment protégées. Un entrepreneur doit savoir ce que vaut son innovation et mettre une limite à ce qu’il communique et partage dans un cadre « open innovation ».
Un rapport de force qui permet à tous d’avancer
Après l’indignation, il est temps de reconnaître ce que les grands comptes peuvent apporter aux startups. Elles sont un client qui commande de gros projets et accepte de débugger une solution. De plus elles amènent du financement R&D, un accès à des marchés inatteignables autrement… Tout ça a un prix : de l’exclusivité, des tarifs négociés, une entrée au capital à terme,..
Êtes-vous armés pour la négociation ?
Pour contrebalancer leurs forces, une étape cruciale sera de faire reconnaître au grand compte la valeur ajoutée que vous apportez. Ils auront des difficultés sans vous sur : agilité, performance technique, modèle innovant, communauté installée, brevet,…. Si vous ne mettez pas en lumière ces points, le grand compte aura loisir de négocier à son avantage pied à pied.
En fait, ce qui fait souvent défaut dans une startup, c’est une personne qui sait négocier en contexte grand compte. Une personne qui connait les règles du jeu de cet environnement, la gestion du temps qui n’est pas du tout celle de la startup…
La tentation de la posture « rebelle »
Certaines startups font le choix d’une posture rebelle ou alternative. Elles se positionnent sur l’uberisation d’un secteur traditionnel ou les circuits courts. Elles ont des offres low-cost ou gratuites dans des marchés prétendument haut de gamme ou inversement…
Cependant ce choix demande une grande cohérence du discours et du contenu. Si je pourfends les modèles existants dans mon discours, puis-je nouer des partenariats sur le marché et avec qui ? Quel écosystème relayera mon discours et quels circuits vendront mon produit ? Puis-je refuser de vendre à certains comptes, sans m’aliéner mes cibles ?
Le choix de la rupture est un risque, il faut pouvoir l’assumer avec du temps et des finances. Dans les secteurs sensibles, les « pionniers » qui tentent des ruptures importantes y laissent parfois beaucoup de plumes…. Et ce sont d’autres acteurs du marché qui, une fois prêts, absorbent l’innovation et remportent la mise.
La visibilité financière donne bien sûr une meilleure assise à ce type de positionnement. Ceux qui prennent les virages sans trop de dégâts sont ceux qui ont les moyens de tenir leur position dans la durée sans souffrir. Ils ont aussi la capacité à être en rupture sans s’aliéner tout l’écosystème et à trouver des appuis solides. car il faut des soutiens pour faire mûrir le marché et infléchir les normes dans leur direction. Du grand art !
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